Cas 1: « Athos »

Du cheval que plus personne ne veut monter à celui qui gagne en concours – en 5 mois

*nb: Les noms ont été changés pour préserver, dans la mesure du possible, la confidentialité des propriétaires

Mon travail a été supervisé par une vétérinaire pratiquant l’ostéopathie et la physiothérapie équine.

1. Présentation: contexte et demande

Athos, hongre de race selle français (env. 1m80 au garrot) est né en 2010, il a 14 ans quand je le rencontre, il a passé les 7 dernières années de sa vie dans ce lieu. Il vit dans un box la majeure partie de l’année. Il est travaillé en dressage et saut d’obstacle.

On m’a proposé de faire des séances avec lui pour les raisons suivantes:

  • raideur, aucun self-carriage
  • qualité des transitions mauvaise, surtout trot-galop (il passe du trot au pas pour prendre le galop)
  • globalement problèmes au niveau de la biomécanique (bassin)
  • aucun engagement au niveau des postérieurs
  • des ruades qui font souvent tomber des cavaliers (cf. aussi le point sur l’équipement à la fin de la page), au point ou ça devient difficile de l’utiliser dans les reprises, puisque craignant faire une chute d’un grand cheval, plus grand monde accepte de le monter

Au moment ou je le rencontre, le cheval est démusclé et mal musclé, il présente globalement les signes du stade avancé de l‘épuisement de la capacité de portage. Ce qui en fait, au sens stricte, un cas de réhabilitation (cf. ci-dessous).

Ma superviseuse me dit après visionnage des vidéos « avant » et sous selle: « Le cheval a de gros problèmes au niveau de l’arrière-main, un peu plus à droite. Il faudrait tester l’articulation sacro-iliaque. Je n’ai pas l’impression que le cheval puisse marcher / travailler sans douleur. » Elle me parle d’un plan de thérapie, que je mets ci-dessous, dans la partie « recommandations ».

2. Photos avant – après (septembre – octobre 2024)

Les photos avant-après sont séparées d’environ 5 semaines, celles du haut ont été prises avant la 1ère séance et celles du bas après la 5ème séance. Je précise que le cheval continue à faire 3 reprises par jour chaque jour, avec des cavaliers de niveaux différents.

Dans mes photos, j’ai fait le choix de laisser le cheval se positionner comme il le veut, naturellement, dans les deux cas (position de tête / encolure et pieds).

Sur un cas comme celui-ci, évidemment on va retrouver, au bout d’un mois, les signes de l’épuisement de la capacité de portage. Le but c’est de montrer qu’on peut obtenir un début d’harmonisation. Que la ligne dorsale commence à se muscler un peu mieux de mon point de vue, que l’encolure est moins en « girafe », peut-être arrive-ton même à voir que le visage est un peu moins tendu, moins « pain-face ». Il commence à paraître un peu moins anguleux, plus rond dans l’ensemble: C’est un début, mais le cheval commence à être un peu plus beau (c’est davantage visible sur les vidéos).

Conclusion de ma superviseuse 5 semaines plus tard, au bout de ces 5 séances : « très belle évolution » (accompagné des précisions et recommandations ci-après)

Petite digression sur la prise de vue dans ce type de travail: Ma motivation pour faire des photos et vidéos est limitée, entre autre parce que dans beaucoup de cas, on essaie de faire dire des choses aux photos qu’on ne peut conclure en toute objectivité ou honnêteté (à titre d’exemple, en ce qui concerne les photos du sabot, les problèmes de la prise de vue ont été décrits ici: Why do photos lie and how not to get misled)

Même au delà de ces problèmes, faire des photos qui veulent réellement dire quelque chose est un métier à part entière et prend un temps fou dans un budget de temps de travail toujours insuffisant. Je préfère pour ma part consacrer ce temps au cheval, qui lui sait comment il se sent dans son corps après la séance. Cela m’a toujours suffi. Mais bien sûr l’idée d’objectiver le progrès pour l’humain n’est pas totalement absurde.

3. Cibles du travail

Une dizaine de lignes fasciales ont été identifiées, dont la ligne dorsale superficielle

J’ai fait 5 séances avec lui, dans lesquelles l’accent était mis sur les points suivants.

Axes de travail : massage-physio et relâchement myofascial

Relâchement de l’ensemble de la ligne dorsale myofasciale superficielle (ou la « SDL », cf. ci-contre, donc de la nuque jusqu’au tendon du postérieur/sabot, explications sur les fonctions et les symptômes de la SDL en bas de page), détonifier les muscles hypertones de la croupe; jambes antérieures et postérieures: muscles, articulations, fascias (adhérences), étirements de l’ensemble de la chaîne myofasciale liée, amélioration du fonctionnement du diaphragme (respiration), etc.

Diapason de type C128 thérapeutique (lesté ou « otto »)

En ce qui concerne les muscles de la nuque, c’est là que ma superviseuse me propose de travailler avec le diapason thérapeutique. J’ai choisi le modèle ci-contre qu’utilise le Dr. vet. Rikke Schultz et le Dr. vet. Tove Due (auteurs de l’ouvrage qui fait référence aujourd’hui dans le traitement des chaînes myofasciales, Equine Myofascial Kinetic Lines, cf. extraits en bas de page).

Il faut l’avoir utilisé sur soi même pour pouvoir se représenter ce que ces vibrations thérapeutiques peuvent apporter, et probablement de manière décuplée, aux chevaux, compte tenu de leur sensibilité neuro, sensorielle et perceptive. Pour ma part je suis passée, sans transition, de « je n’achèterai pas de diapason » à « ça va me servir très régulièrement avec un grand nombre d’équidés ». Dans la 1ère semaine où il était en ma possession, le diapason avait accéléré le travail avec plusieurs chevaux déjà.

4. Vidéos avant – après

Avant (6 sept. 2024)

Mouvements assez saccadés, faible amplitude, absence de plaisir du mouvement / difficile à mettre et à maintenir le cheval au trot (merci à Florence et André pour leur aide !):

Malheureusement pas de vidéos en « liberté » avant les séances – j’aurais du en faire:

Après (3 oct. 2024)

Conclusions – début octobre 2025

Sur le plan physique

  • Amélioration visible de la locomotion, de la biomécanique et de l’équilibre
  • Développement musculaire amélioré
  • Plaisir du mouvement: beaucoup mieux
  • Hypertonus de la ligne dorsale : beaucoup mieux

On me dit que le cheval va globalement mieux depuis plusieurs semaines.

Et il est bien sur toujours dans l’épuisement de la capacité de portage, et continue à mal utiliser son corps (cf. recommandations ci-après).

Sur le plan mental

Le cheval interagit davantage, s’exprime plus, est plus joueur, a un visage plus détendu et satisfait qu’avant la 1ère séance


Update – Février 2026

J’ai refait une série de séances depuis janvier, le cheval continue à bien se developper.

En janvier, 2-3 semaines après la reprise des séances, il gagne en concours dressage: le même jour il remporte une 1ère et une 3ème place. Il est devenu un beau cheval qui plait de plus en plus.

Il va mieux dans sa tête aussi, s’exprime plus, est joueur et c’est un soulagement pour tous ceux qui connaissent et aiment ce cheval au grand coeur.

Plus de chutes lorsqu’il est monté. Il est monté par de nombreux cavaliers maintenant qui font confiance et acceptent désormais qu’il se mette en extension d’encolure – c’est un bonne chose. Ce n’était pas le cas en septembre 2024.

Il a des rênes plus longues aussi – depuis fin février (cf. ci-dessous).

Ci-dessous une photo actuelle de fin février 2025, avec le k-tape pour favoriser l’extension d’encolure : le cheval a longtemps mal utilisé son corps. Le but c’est de lui apprendre à utiliser les bonnes chaînes musculaires, afin qu’il continue à se développer dans le bon sens, maintenant que les bases sont bonnes pour cela.


5. Recommandations / propositions d’axes futures du travail

[Rédigé en oct. 2025] Il y a un risque évident que les changements obtenus seront peu stables dans le temps sans autre changement. [Le bilan début 2025 est plutôt positif : Au final ça a bien évolué!]

Voici les recommandations qui m’ont été données:

« Il faut absolument entraîner le cheval à garder l’impulsion (« Schwung ») et à développer le plaisir du mouvement en travaillant en extension d’encolure*, il travaille encore trop dans la chaîne dorsale.

Ce cheval aurait besoin d’un programme de rééducation / réhabilitation en trois phases à répéter en cycles successifs (donc par ex.: jour 1 massage, jour 2 gymnastique, jour 3 renforcement musculaire et endurance):

1 / Massagerelâchement myofascial, détonifier et rallonger des muscles hypertones et raccourcis

2 / Des exercices pour gymnastiquer le cheval: Travail au sol (cession à la jambe, tourner sur l’avant main, etc.), utilisation de coussins ou pads d’équilibre (5B ou Krämer ou Decathlon pad d’équilibre, ou d’autres marques) ou tapis (« Pflusig » d’Ikea), éventuellement planche / « rocker » ou podium, et peut-être des exercices de « cirque » (pas espagnol, podest etc.). Cf. ci-dessous en bas de page pour des illustrations – actuellement encore peu vues en France, ces pratiques sont devenues mainstream dans les cercles physio équine ailleurs.

3 / Renforcement musculaire et endurance: Travail de longe (« Longieren als Dialog » d’Osteodressage, pas de ressources en anglais ou français; pour ma part je recommande donc ces ressources de Babette Teschen qui sont disponibles en anglais, et que recommande aussi Karin Kattwinkel (Equo-vadis):

Donc pour récapituler, jour 1 : massage, jour 2 : travail au sol pour libérer les tensions, jour 3 : renforcement musculaire. »

C’est ainsi que ma superviseuse procéderait, si elle avait ce cheval en réhabilitation chez elle.

Dans quelle mesure peut-on intégrer ces changements dans le quotidien du cheval compte tenu des contraintes du lieu où le cheval se trouve actuellement? Une première étape est d’évoquer ces possibilités de programme de réhabilitation déjà.

*Sur la question du travail en extension, le matériel doit le permettre, cf. le paragraphe sur la longueur des rênes ci-après, dans la partie Equipement. Toute compression due à des rênes trop courtes peut conduire à des compensations ailleurs et des défenses, y compris les ruades.

Exemple d’exercise: l’éventail de barres

Cet exercice permet au cheval de mobiliser ses grandes articulations (épaule, hanche, carpe etc.) puisqu’il doit les bouger plus en enjambant les barres que normalement. Il peut permettre d’améliorer l’incurvation en peu de temps après un travail de massage-physio / relâchement myofascial

Avec une incurvation correcte, le cheval traverse l’éventail de barres 4-5 fois d’un côté puis change de côté. Les barres sont surélevées sur un côté. Pour améliorer la coordination, les barres peuvent être placées à des hauteurs différentes (pas plus haut que le carpe). Distance entre les barres: le cheval doit pouvoir enjamber les barres tout en gardant la cadence

***

Prochaine étape: la vie sur un grand pré, du terrain varié, des galopades, des vraies, un peu comme dans la vidéo ci-dessous. 

Plus sérieusement, un cheval qui galope seul pendant des kilomètres, sur des grandes étendues – non, l’esthétique de cette série des années 70 semble éthologiquement naîve pour le moins. Mais je ne peux m’empêcher de mettre ces images ici, pour nous donner un petit rappel visuel de quoi est fait un environnement approprié – a fortiori pour un grand cheval comme ça.

Et à moins de faire énormément d’efforts, et avec la meilleure volonté du monde, on n’a que peu de chances de le garder durablement en bonne santé, « beau » et musclé, tant qu’on l’oblige à vivre dans un espace très limité et on le forçant dans des mouvements trop souvent contraignants finalement.

Ressources – pour aller plus loin

Illustrations des exercices gymnastiques évoqués: ci-dessous

Livres et autres documents

Rocker pour chevaux : ces outils sont relativement onéreux, voici un pdf guide pour se construire ces appareils soi-même est mis en ligne (en allemand – à traduire avec chat gpt / gemini / ecosia IA etc ) Téléchargement ici

Le tapis « pflusig » d’Ikea, d’autres types d’utilisation sont possible
Traverser la barre au sol (arriver en oblique / angle +/- 45°) => utilisation de l’épaule, souplesse et renforcement musculaire
Eventail avec des barres, une option parmi d’autres

Numéros de « cirque » – monter, et redescendre fréquemment sur un podium, avec la jambe la plus faible d’abord (commencer avec un faible nombre de répétitions 1 à 2 la 1ère fois), renforce les muscles davantage que de rester dessus simplement ou d’apprendre au cheval de mettre les 4 pieds sur un podium (« mountain goat » / chèvre de montagne : pas très utile pour les chevaux qui ont déjà un épuisement de la capacité de portage et la posture qui va avec)

D’autres types de podium « do it yourself ». On donne une friandise plus bas, pour l’effet étirement de la ligne dorsale. Intéressant : on constate souvent que les chevaux se mettent eux-meme sur les podium quand ceux-ci sont accessibles dans leur espace, l’exercice leur fait du bien, ils sommeillent parfois dessus, pareil pour le rocker ci-dessous

« rocker » pour gymnastiquer
Petit modèle pour l’avant main, lateral

Un modèle à éviter:

Pas de rocker comme celui-ci: il crée trop de heurts dans les articulations ! L’appareil doit avoir une surface arrondie en dessous

Equipement

Les rênes

La longueur des rênes peut être insuffisante pour les chevaux de cette taille dans ce type d’enseigne (photo de la 2è séance).

S’il est peut être vrai que des rênes de +/-3m par exemple sont difficiles à utiliser par certains cavaliers de niveaux débutants et parfois intermédiaires, des rênes aussi courtes que sur la photo ci-contre créent déjà une tension de base chez la plupart des cavaliers qui tiennent toujours le bout des rênes dans les mains. Le cavalier ne peut être décontracté avec des rênes si courtes, c’est déjà désagréable pour lui.

Une des bases de l’équitation harmonieuse est le fait de parfaitement suivre les mouvements de l’encolure avec les bras, les mains. Le mouvement naturel de la tête du cheval ne doit pas être entravé.

Les rênes du filet du cheval et, en comparaison, mes rênes (3m20). Je demande à ma superviseuse quelle serait la bonne longueur de rênes pour ce cheval? Elle est formé en dressage classique et donne des cours aussi, elle me répond : « Tes rênes sont bonnes. Avec les autres on ne peut pas suivre le mouvement de hochement de la tête du cheval, à partir des coudes ». Et qu’est-ce qui se passe avec le cavalier si le cheval baisse la tête?

Jusqu’où un cheval doit pouvoir s’étirer est controversé. Pour certains, le museau ne doit pas aller en dessous de l’articulation de l’épaule. Et cela dépendrait aussi des races et de la conformation.

Mais si on a du mal à permettre à un grand cheval de vraiment s’étirer régulièrement sans se pencher en avant à cause de la longueur des rênes, on risque d’aggraver le problème d’équilibre d’une part et d’encolure qui est trop souvent trop « téléscopée » d’autre part. Ce qui peut créer des tensions et des compensations ailleurs dans le corps.

Des rênes trop courtes conduisent à des problèmes au niveau de « l’articulation cervico-thoracique », ce qui crée des douleurs au niveau de la tête, de la nuque et du dos, donc potentiellement de toute la chaîne myofasciale superficielle (cf. ci-dessus). Le cheval résiste, se défend. Potentiellement jusqu’à la ruade.

On peut acheter des rênes jusqu’à 3m20 sur bioleine.de, le site est en allemand mais j’imagine un email en anglais à l’adresse indiquée peut régler le problème de la commande (prix 35€ environ avec frais de livraison, préciser que le mousqueton doit être clouté). Alternative site français : des rênes Equimero sur le site cheval-ami, mais le prix est le double.

Regardez les mouvements de l’encolure sur cette vidéo: est-ce que les rênes qu’il porte sur la photo ci-dessus sont assez longues?

La selle

Je ne parle pas de la selle du cheval, je n’ai pas vraiment d’expertise suffisante dans ce domaine, qui plus est, vu sa ligne dorsale, la selle est très difficile à adapter quoi qu’il arrive (typique des chevaux en épuisement de capacité de portage).

Beaucoup de physio/trainer formés en réhabilitation de ce type de chevaux commenceraient le travail monté peut être avec une selle très adaptable ou certains padd de monte à cru (les selles ghost? cheval-ami peut avoir des selles etc. intéressantes). Je ne m’y connais pas assez pour orienter davantage, mais une selle qui ne renforce pas le problème et qui est adaptée au type de travail fait, est une solution transitoire parfois utile, voire nécessaire.

The Superficial Dorsal Line – SDL | Equine Myofascial Kinetic Lines (Schultz, Due, Elbrond 2021)

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