Comment améliorer le contact?

I Pourquoi s’intéresser à la qualité du contact ?

La qualité du contact fait partie de l’échelle de progression.

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La biomécanique du cheval dépend de la qualité du contact

Mais au delà de ça, il faut s’y intéresser parce que le contact fait partie des éléments de l’équitation qui sont le plus décisifs pour le bon fonctionnement biomécanique du cheval et a fortiori pour sa santé, notamment musculosquelettique et mentale.

Par exemple: de nombreux chevaux ont des problèmes d’engagement, aux transitions ou au galop. Quel lien avec la qualité du contact? Cela a été expliqué dans un récent webinar de Dr Nadine Blum qui gère un centre de réhabilitation pour équidés en Allemagne « Clinical aspects of lumbar and pelvic issues and impact on gait and rideability« (organisé par Centaur Biomecanics en septembre 2024).

Titre bien théorique, le contenu était fascinant et surtout très éclairant. Voir à ce propos aussi la remarquable présentation de Dr Sue Dyson « Sacroiliac joint dysfunction » pour un récap limpide sur la problématique de l’articulation lumbo-ilio-sacrale et le lien avec les problèmes d’équitation, notamment au galop.

Voici les points clés du webinar de Dr Blum:

  1. Le galop, la qualité des transitions et de l’engagement par exemple dépendent de la mobilité correcte des articulations du bassin, l’ensemble lumbo-ilio-sacral. Les mouvements dans cette région sont petits (quelques millimètres) mais doivent pouvoir se faire correctement. Or cette région est très fragile par rapport aux perturbations (car beaucoup de poids est attaché au sacrum, qui est dans l’axe de la colonne vertebrale).
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La mobilité des articulations du bassin: les petits mouvements doivent pouvoir se faire parfaitement

2. La colonne vertebrale est faite d’un très grand nombre d’articulations, ce qui prouve que cette structure est faite pour être en mouvement. Plus précisément, des petit mouvements oscillatoires doivent pouvoir passer dans la colonne vertebrale pour que la transmission de l’énergie, qui vient du bassin, se fasse correctement et sans entrave ni sur la mobilité des articulations du bassin ni pour les membres et leurs structures (articulations, tendons, ligaments etc.):

Transmission de l'énergie biomeéanique
La transmission de l’énergie biomécanique dépend des oscillations qui doivent pouvoir passer dans tout le corps

3. On a de plus en plus de problèmes aujourd’hui en lien avec le fonctionnement de l’ensemble bassin-colonne vertebrale: les cavaliers se penchent de plus en plus en arrière, mettant la région lombaire en extension, ce qui perturbe le fonctionnement correct du bassin, comme décrit ci-dessus (point 1).

Si les cavaliers ont une main « dure » ou se penchant trop en arrière, par exemple (pour essayer de s’équilibrer) au trot assis, cela va perturber plus ou moins rapidement et radicalement selon la vulnérabilité du cheval ce fragile équilibre (mobilité correcte des articulations du bassin) dont dépendent par ex. le galop, l’impulsion, l’engagement et les transitions.

On va donc avoir des chevaux qui n’ont souvent pas ou moins de problèmes lorsqu’on les travaille en longe sans cavalier ou en liberté mais qui ne galopent plus ou mal une fois monté, ou n’engagent plus les postérieurs ou ont des problèmes aux transitions, parmi d’autres.

Donc les facteurs les plus coûteux sont:

  • Avoir des mains « dures », qui ne suivent pas bien le mouvement de la tête, surtout au pas et au galop.
  • Etre penché en arrière, surtout au trot. Le cavalier doit apprendre à s’équilibrer au trot, developper une assiette de qualité, et un tonus du haut du corps suffisant pour pouvoir asseoir un cheval aux trois allures sans s’affaisser ou se pencher en arrière (au trot assis) et sans se tenir à la bouche du cheval pour préserver son équilibre.
  • De même, activement ou passivement amener le chanfrein de la tête du cheval derrière la verticale, et pour beaucoup de chevaux (selon leur anatomie) un chanfrein strictement à la verticale constitue déjà un problème (respiration, articulation de la nuque, glands etc.).
  • Si les muscles du dos et du ventre sont contractés (« hypertones ») le dos ne peut plus remonter, et cela entrave aussi le mouvement oscillatoire à travers le corps.

La transmission de l’énergie biomécanique est multifactorielle, et dépend aussi, par ex. des sabots, du poids du cheval et de la symétrie du bassin.

Dr Blum a insisté sur le fait qu’il faut veiller à ce que tous les mouvements physiologiques du corps du cheval doivent être préservés. Le cerveau a besoin du input des « muscle spindel cells » pour bien fonctionner sur un plan biomécanique et produire un résultat correct au niveau du mouvement. Celles-ci doivent être stimulés regulièrement: « use it or loose it ». Pour cette raison, elle utilise aussi les coussinets d’équilibre etc. dans ses programmes de réhabilitation (cf. ci-dessous).

Et inversement on va trouver beaucoup de problèmes de comportement aussi à travers ce qu’on appelle le trigger stacking: un cheval qui est poussé au delà de son seuil de tolérance (mouvement restreints -> inconfort voir douleur -> stress -> réactions négatives diverses : de la décontraction qui devient impossible jusqu’à la ruade etc.) et provoque parfois la chute du cavalier.

Il y a donc – selon les cas – un lien de cause à effet entre un mauvais contact et des problèmes de posture ou d’assiette d’un côté, et les problèmes d’équitation (galop, engagement, transitions etc.), allant jusqu’aux ruades etc. / problèmes de sécurité pour le cavalier de l’autre.

Mais des problèmes au niveau des membres peuvent aussi provoquer des anomalies au galop.

Et ce sujet souligne encore l’importance de l’adéquation du matériel, par ex. de la longueur des rênes. +/- 3m20 de longueur de rênes n’est pas excessif en réalité pour beaucoup de chevaux, pas uniquement les plus grand, si on veut pouvoir réaliser une extension d’encolure sans tendre ou déséquilibrer le cavalier, ou entraver le mouvement du cheval.

Lire aussi Comment prévenir les blessures?

Dr. vet. Tissier L’articulation sacro-iliaque et ses problèmes – avec beaucoup de conseils de bon sens – à lire !


II Comment améliorer la qualité du contact?

1 Exercice simple pour améliorer le contact

Exercice à faire debout au sol mais aussi à cheval. Il mobilise très bien l’articulation des épaules et améliore la conscience du corps: Suivre de manière souple les mouvement de la tête du cheval avec les bras devient beaucoup plus facile.

Alors que je suis normalement très sceptique par rapport à ces exercices pour cavaliers que je trouve souvent décevants, j’ai vraiment vu une différence assez nette sur les vidéos avec celui-ci et ce en peu de temps.

J’ai donc demandé l’autorisation pour pouvoir le mettre sur mon site (il fait partie de l’enseignement d’OsteoDressage, une élève le montre pour la caméra). Transcription des instructions en français sous la vidéo.

« Voici l’exercice pour les épaules:

On se tient confortablement debout, les mains vers le coté, intérieur des mains vers le haut. Ensuite on tourne une main vers l’intérieur, vers la hanche. Imaginez que vous tenez une bougie chauffe plat dans la main, qui ne doit pas tomber. Ensuite vers l’arrière, vers le coté, devant la tête, au-dessus de la tête et en arrière, puis la position de départ. Idem de l’autre côté.

Cet exercice mobilise et entraine entièrement l’articulation de l’épaule, dans toutes les directions (et améliore la proprioception, la conscience du corps).

On répète l’exercice 3-4 fois de chaque côté, cela améliore la souplesse des épaules, l’exercice peut aussi être fait à cheval. »


2 Que dit la littérature sur la question du contact ?

2.1 « Les aides invisibles »

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L’ouvrage d’Isabelle von Neumann-Cosel

Isabelle von Neumann-Cosel a rédigé un excellent ouvrage sur les aides, voici un extrait de son livre « Le secret des aides invisibles » (traduit par mes soins / avec Gemini):

Les erreurs dans la position des mains et des bras

Les bras et les mains sont les parties du corps humain les plus mobiles. Ils accompagnent naturellement la plupart des mouvements. À cheval, la position des mains et la conduite des rênes sont particulièrement sujettes aux erreurs.

Contrôler la position des bras et des mains nécessite un entrainement intensif de la proprioception. Les deux parties du corps humain ne sont jamais identiques. Cela vaut également pour les bras et les mains. De plus, le fait d’être droitière ou la gauchère entraine des préférences cérébrales au niveau des mouvements fins. 

Les droitiers ont tendance à ajuster d’abord la rêne droite lorsqu’ils raccourcissent ou allongent les rênes. La main gauche, souvent plus faible, est moins bien soutenue. Elle a tendance à tomber ou à tirer vers l’arrière pour compenser le manque de force. La prise de conscience et la modification de ces automatismes peuvent faire des miracles.

Les bras, dont les mains sont l’extrémité, prennent naissance dans les articulations des épaules. Celles-ci font partie de la ceinture scapulaire, une structure très mobile fixée au squelette par deux petites articulations seulement. La ceinture scapulaire doit être continuellement équilibrée au-dessus du thorax. Chaque mouvement du buste l’influence, et par conséquence les bras et les mains.

Ce n’est qu’une fois que le cavalier a appris à équilibrer son buste de manière sûre et constante qu’il peut bouger ses mains de façon ciblée et volontaire. Si l’équilibre du buste n’est pas assuré, les bras et les mains sont contrôlés par des réflexes afin d’assurer en premier lieu l’équilibre. 

Dans de telles situations, il est impossible d’effectuer des mouvements de main contrôlés. C’est pourquoi une coordination indépendante du bassin et de la ceinture scapulaire représente un défi particulier pour la position assise. Le bassin doit autoriser, absorber et transmettre le mouvement du cheval au corps. La ceinture scapulaire, quant à elle, est responsable de la stabilisation du buste. Seul un buste stable de manière dynamique permet des positions et des mouvements des mains finement ajustés.

La qualité du contact

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Exercice: Si l’on laisse retomber les pouces excessivement vers l’extérieur, cela active la bonne chaîne de mouvements / mobilité dans tout le bras.

Toutes les aides de rênes représentent des moyens d’agir de manière ciblée sur la bouche du cheval. La fonction la plus importante revient aux coudes pour permettre le mouvement du cheval. Seuls des coudes mobiles permettent au cavalier de suivre les mouvements d’équilibre naturels et constants de l’encolure du cheval (qui lui permet de s’équilibrer) et de maintenir un contact régulier avec les rênes grâce à une tension uniforme. Les rênes doivent offrir au cheval un cadre sûr, mais en aucun cas rigide, vers l’avant et sur les deux côtés. Cette limite ne doit pas être imposée, mais plutôt négociée en douceur. 

L’image de tenir la main de son partenaire à travers le mors peut aider à influencer doucement le tempo et la direction tout en maintenant une connexion souple (pages 80, 83, 130).

***

La conscience du corps, la coordination, l’équilibre et un tonus naturel suffisant (haut du corps) pour maintenir le thorax en équilibre – sans contraction – sont les fondements d’une posture de qualité à cheval. Et c’est elle qui permet un contact de qualité. Une activité sportive varié peut aider à les developper, notamment le yoga et des exercices de renforcement spécifiques pour le haut du corps (région lombaire, muscles profondes etc.). Voici comment se motiver et pratiquer le yoga

2.2 Antoine de Coux: « Paroles du Maître Nuno Oliveira »

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Voici quelques extraits.

Ce n’est qu’avec une bonne position que le cavalier peut être libre de ses gestes, de ses aides. Seule la position académique rend possible l’indépendance et la finesse des aides.

Les coudes étant au corps (à la pointe des hanches) les mains suivent la bouche du cheval par le jeu du dos du cavalier.

Quand les mains agissent ce n’est pas d’avant en arrière mais de bas en haut.

Ne pas abandonner le cheval mais le moins d’aide possible. Il faut habituer le cheval à marcher sans être porté par le cavalier. Il faut qu’il se tienne de lui-même en équilibre. Pour cela il faut qu’il se relaxe, il faut qu’il ne soit ni bousculé ni comprimé. Il faut qu’il se tienne dans une bonne position, sans être porté par les aides, mais de lui-même.

Plus de 50% de la réussite du cavalier en dressage: c’est la position. La position à cheval c’est tout, une position décontractée s’étend (corps sans muscle, ‘poupée de son‘). Ce n’est qu’avec une bonne position que le cavalier peut être libre de ses gestes, de ses aides.

Gardez le contact leger avec des rênes ajustées. Si elles sont trop courtes vous prenez sur l’impulsion, si elles sont trop longues le cheval flotte et vous abandonnez.

Attendez que le cheval se place par l’exercice et par la cadence et non par l’action des mains.

A une élève au trot: « plus vous avez d’actions de mains, plus le cheval roue son encolure et moins il engage ses postérieurs. »

Relaxez vos mains pour que le cheval se sente moins coincé. Laissez le cheval se servir plus de son encolure.

Si un cheval s’encapuchonne: petites vibrations de bas en haut, mains douces.


III Au delà du contact : la stimulation sensori-motrice

Le mouvement biomécaniquement correct est essentiel : thérapie manuelle, coussinets d’équilibre et d’autres supports pour entraîner / stimuler les récepteurs du système myofascial (mechanorecepteurs / muscle spindel cells / propriocepteurs), K-Taping, stretching à la carotte. Dr. Blum résume: « use it or loose it »: la neuroception ne fonctionne bien qu’avec des stimulus réguliers, variés et répétés. C’est cela qui permet d’assurer des mouvements de qualité.

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Le mouvement correct du corps à travers une stimulation varié et régulière : thérapie manuelle, coussinets d’équilibre et d’autres supports pour entraîner / stimuler les recepteurs (méchanorecepteurs / muscle spindel cells / proprioception), stretching à la carotte – ‘use it or loose it’, la neuroception ne fonctionne bien qu’avec des stimulus réguliers, variés et répétés. Cela permet
d’assurer des mouvements de qualité

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Mouvement biomécaniquement incorrect: le dos ne remonte pas et le mouvement oscillatoire à travers tout le corps est entravé

Lire aussi Comment prévenir les blessures?

Ressources

Janet Foy « Dressage for the Not-So-Perfect Horse: Riding Through the Levels on the Peculiar, Opinionated, Complicated Mounts We All Love »

Beth Baumert « How Two Minds Meet: The Mental Dynamics of Dressage« 

Beth Baumert « When Two Spines Align: Dressage Dynamics: Attain Remarkable Riding Rapport with Your Horse »

Walter Zettl « Dressage in Harmony« 

Charles de Kunffy « The Athletic Development of the Dressage Horse: Manege Patterns« 

Ressources biomécanique équine

Ressources équitation harmonieuse

Pratique du yoga, ressources: yoga et mieux-être

Dr. Tissier L’articulation sacro-iliaque et ses problèmes conseils et exercices

Améliorer la qualité du contact : lien avec la locomotion du cheval : de nombreux éléments intéressants (mais je ne l’ai pas lu dans l’ensemble)

Définition de la sensori-motricité : mobilesport.ch

Antoine de Coux: « Paroles du Maître Nuno Oliveira » Belin, 2007

Illustrations: ABnR

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