I Comment les chevaux communiquent-ils qu’ils ont mal?

On dit « tout comportement est communication ». C’est vrai a fortiori pour les douleurs, il y a donc souvent un lien de causalité entre les douleurs et les (problèmes de) comportements ou l’absence de comportement dans le cas de la léthargie / de la dépression, cf. cet article.
Apprendre à être attentif à ces facteurs comportementaux est donc essentiel pour pouvoir reconnaître les problèmes de douleur chez l’équidé. Et ce d’autant plus que le cheval cherche, en tant qu’animal de proie, à les occulter le plus possible, ce qui explique le développement le lésions secondaires ou tertiaires, souvent les premières à être remarquées par l’homme: ce sont les compensations ou leurs conséquences que l’homme remarque en général.
C’est la raison pour laquelle j’actualise cet article avec les majeurs éthogrammes de la douleur équine dont on dispose aujourd’hui, la version pdf de ces études avec les visuels pour illustrer les critères sont en bas de page pour:
- Ridden Pain Ethogram (Dyson et al., 2018, 2022)
- Equine Musculoskeletal Pain Scale (Auer et al, 2024)
- Horse Chronic Pain Scale (HCPS) (Loon, Marci, 2021)
- Horse Grimace Scale (Costa et al., 2014)
- Equine Pain Face (Gleerup et al., 2015)
- Equine Discomfort Ethogram (Torcivia, MacDonnell 2021)
*nb : la présence d’un seul critère est insuffisant pour se prononcer sur la présence de douleurs
Inutile de passer une demi journée à lire l’ensemble de ces études en détail, par contre prendre 10 minutes pour s’imprégner des signes que décrivent (et surtout illustrent) ces différents échelles peut être précieux pour évoluer de « ce cheval a un mauvais caractère » à « on ne peut exclure qu’il ait mal », ce qui dans beaucoup de cas peut être plus juste: l’objectif de ces études est de rendre plus objectif la réponse à la question de savoir s’il y a présence de douleur ou pas. Et l’humain a tendance à les identifier comme des défauts de caractère plutôt que comme signe de souffrance.
Par le mécanisme des compensations, cela contribue à la genèse de lésions secondaires et tertiaires, souvent plus longues et onéreux à soigner. Identifier les douleurs à un stade précoce est donc aussi dans l’intérêt du propriétaire.
Important à noter: la présence d’un des critères décrits ne suffit pas pour se prononcer en faveur de la présence de douleurs, ces études ci-dessus spécifient en général que plusieurs critères doivent être observés pour se prononcer avec une relative certitude, il s’agit par exemple de 8 sur 24 critères pour le Ridden Pain Ethogram de Sue Dyson.
II Les maux de dos ou « dorsalgies »
Vous vous demandez si votre cheval pourrait avoir des douleurs au niveau du dos? Voici différents éléments de réponse.
1 La « Back Health Study » de l’université de Zürich (version française)
Très bon recap dans ce document (les réactions comportementales sont sur la page 12), dont le pdf est en bas de page: Mon cheval souffre-t-il de dorsalgies?
Une intéressante présentation vidéo de 8 min sur les symptômes des maux de dos des chevaux, de l’université de Zürich, lien avec sous-titre français « Reconnaître le mal au dos chez le cheval« .
2 Signes variés lors de l’interaction avec le cheval
Soyez attentif à ces signes lors de l’observation, de la palpation, du pansage et de l’équitation.
Comme chez l’humain, les douleurs dorsales sont également une affection courante chez nos chevaux.
Votre cheval peut-il être concerné? Son dos est-il fort et en bonne santé? Ce test que vous pouvez effectuer régulièrement, vous permet d’y voir un peu plus clair, d’avoir une première idée et d’identifier les problèmes précocement (en cas de doute consultez votre vétérinaire).
Commencez par observer le cheval à l’arrêt. Évaluez la zone de l’épaule, en particulier la partie supérieure au niveau du garrot.
Si le dos du cheval est en bonne santé, l’omoplate est bien enveloppé par la musculature et peu visible. Des creux profonds, devant ou derrière l’os, peuvent indiquer des douleurs dorsales.
Ces creux peuvent correspondre à des muscles qui ne se sont jamais correctement développés ou à une régression de muscles auparavant en meilleur état.

Regardez maintenant le dos du cheval. Un dos sain est relativement horizontal. Un dos affaissé, creux ou bombé dans la région lombaire (dos de carpe) peut causer des douleurs.
Niveau d’alerte élevé : Les vertèbres sont clairement visibles.
Autre vérification : Le long muscle dorsal court de chaque côté de la colonne vertébrale. Sur un cheval avec un dos sain, la musculature est bien développée. Si les vertèbres sont visiblement saillantes, le dos est trop faible musculairement.
Un dos sain implique toujours un ventre fort
La chaine musculaire dorsale travaille avec la chaine musculaire ventrale. Les muscles abdominaux sont les antagonistes des muscles dorsaux et permettent au cheval de remonter le dos.
Un manque de muscles au niveau du ventre se manifeste souvent par un dos ensellé.
Jetez enfin un coup d’œil sur l’arrière main. De nombreux chevaux ayant des problèmes dorsaux semblent avoir l’arrière main plus haute que le garrot (même si ce n’est pas le cas à la base).
Après avoir examiné visuellement le cheval, vous pouvez faire d’autres vérifications : palpez le dos et observez l’animal lors du pansage et de l’équitation. Si votre cheval montre un de ces symptômes de douleur, consultez un vétérinaire.
1 Comment réagit votre cheval à la palpation ?

a) Passez le bout de votre doigt le long de la colonne vertébrale, en partant du garrot. Sur un cheval avec un dos sain, toutes les vertèbres sont alignées. Si vous sentez qu’un processus épineux sort de la rangée, cela peut causer des douleurs.
Si le cheval semble inconfortable lors de la palpation, son dos n’est pas en bon état.
Symptômes typiques : l’animal creuse le dos, évite vos doigts, couche les oreilles, montre les dents, donne des coups de pied, ou fouaille la queue.
b) Appuyez avec un doigt et une pression modérée (correspondant à environ un kilo), sur différentes parties du dos. Les chevaux avec un dos sain ne vont pas réagir beaucoup. Si le dos fait mal, la plupart des chevaux le montrent clairement. Voir les symptômes ci-dessus.
c) Passez la main le long de la musculature dorsale. Commencez à l’épaule et passez la main simultanément à droite et à gauche de la colonne vertébrale, lentement jusqu’à la croupe (par ex. le pousse d’un coté de la colonne vertébrale, l’index de l’autre). Maintenez une pression d’environ 1 kg. Sur toute la longueur on va avoir, dans l’idéal, une musculature uniforme au toucher et souple.
Par contre, des symptômes de problèmes de dos peuvent être :
La musculature est aussi dure qu’une planche ou au contraire aussi molle qu’un élastique usé. Observez également le comportement de votre animal. Le cheval devrait rester immobile et détendu. Si le dos fait mal au cheval, il se défend (cf. symptômes ci-dessus).
2 Est-ce que le cheval apprécie le pansage du dos et du ventre?

Pansez le dos du cheval avec une étrille à gros picot en caoutchouc, faites des mouvements circulaires de l’avant vers l’arrière. Le cheval devrait rester calme même lorsque vous brossez avec une pression plus forte. Si l’animal proteste par exemple en creusant le dos, ce n’est pas un réflexe naturel, mais un signe de douleur. De nombreux chevaux ont des réactions négatives au pansage du ventre. Une raison possible : les muscles abdominaux sont tendus en raison de problèmes de dos, rendant le pansage inconfortable à cet endroit pour le cheval.
3 Est-ce que le cheval peut facilement lever les sabots des postérieurs?

Observez le comportement du cheval pendant le curage des sabots des postérieurs et chez le maréchal-ferrant. Parce que les gros muscles de l’arrière-main sont reliés au dos, lever les sabots permet de voir à quel point le cheval est détendu. Un cheval avec un dos en bonne santé soulève volontiers les sabots et peut les maintenir pendant une période prolongée sur trois membres.
En cas de douleur au dos, lever les postérieurs devient difficile pour l’animal. Certains chevaux ont du mal à soulever la jambe par eux-mêmes vers l’arrière. Un signe courant chez le maréchal-ferrant : le cheval ne peut pas tenir la jambe en l’air longtemps et la retire soudainement.
4 Comment réagit le cheval au moment de seller ?

Normalement, seller un cheval ne devrait pas le déranger. Si le cheval couche les oreilles rien qu’en voyant la selle, il associe probablement la selle à des douleurs de dos. D’autres chevaux souffrant de problèmes de dos peuvent réagir seulement lorsqu’on pose la selle, en essayant de mordre le cavalier. D’autres n’aiment pas être sanglé. Ces chevaux ne sont pas « chatouilleux », comme on le pense souvent à tort, mais les muscles au niveau du sternum peuvent être tendus en raison de problèmes de dos. Cependant, le cheval peut aussi avoir des douleurs à l’estomac. Dans tous les cas de figure assurez-vous de trouver la cause de ces problèmes.
5 Le cheval se déplace-t-il de manière souple ?
Que ce soit en liberté, lors du travail monté ou en longe : si le dos du cheval est en bonne santé, l’animal se déplace de manière énergique et motivé, avec une cadence régulière et une bonne impulsion. Les membres ne peuvent bouger correctement que si le dos est souple. Si le cheval a des douleurs dorsales, sa démarche parait raide et laborieuse (et le cheval semble « froid », « paresseux »).

Beaucoup d’équidés ont des problèmes de régularité / de cadence, trainent les sabots (la pince) ou trébuchent. Les chevaux souffrant de problèmes de dos refusent souvent de galoper ou ont un galop désuni.
Un autre signe de douleur : on a l’impression que l’avant et l’arrière ne se déplacent pas de manière harmonieuse. Le dos et le ventre sont tendus. Observez également la queue, chez un cheval avec un dos en bonne santé, la queue fait un mouvement de pendule, détenu, de droite à gauche. Si elle est portée de manière anormalement haute, coincée ou plus vers le côté gauche ou droit, c’est un signal d’alarme.
Lorsqu’on longe le cheval
Outre les points énumérés ci-dessus, nous devrions également faire attention à la manière dont le cheval s’étire vers l’avant et vers le bas. Chez les chevaux avec un dos en bonne santé, le dos reste relevé. Chez un cheval souffrant de douleurs de dos, le thorax s’affaisse entre les épaules.
Equitation

On peut repérer si le dos est en bon ou mauvais état en général dès le moment où vous montez en selle: un cheval avec un dos en bonne santé reste immobile et calme. Si le cheval creuse le dos, le soulève ou part en courant, il a des douleurs.
Autres points de vérification : un cheval avec un dos en bonne santé « remonte le garrot » (le thorax est mieux soutenu par les bonnes chaines musculaires qui travaillent efficacement). Et il est confortable à monter et facile à assoir à toutes les allures. Si c’est le contraire, le cheval ne fait pas fonctionner son dos. Il pourrait avoir des douleurs. D’autres signes de problèmes de dos incluent le fait que le cheval s’appuie (trop) sur la main, court sous le cavalier, est difficile à placer et à incurver. La bouche s’ouvre trop souvent / nerveusement ou est trop serrée. (cf. version image du pain ethogram de Dyson, l’éthogramme de la douleur, ici).
Ressources
Website 24 BEHAVIORS OF THE RIDDEN HORSE IN PAIN et 24 Pain Behavior Checklist – downloads
Harmonious Horsemanship Le livre de Sue Dyson et Sue Palmer, orienté pratique, appliqué à la réalité de tous les cavaliers, utile sur un plan concrèt, facile à lire et à comprendre, motivant et éclairant – un ouvrage très intéressant
Universität Zürich Tierspital : Ressources en français sur la selle et les maux de dos (en bas de page)
Les fiches techniques de la conféderation suisse « Agroscope » (évaluer la selle, vermifuge, sabots, etc.)
Ridden Horse Pain Ethogram – Images: