Les troubles du comportement équin et la relation avec l’humain

Le modèle bio-psycho-social, appliqué à la santé mentale humaine

Trouver des solutions à des problèmes de comportement équin suppose souvent un travail minutieux et multifactoriel, qui dépasse le comportementalisme des décennies passés. 

Ma formation à la Equine Behavior Affiliation (Psychologie équine appliquée) me permet de m’appuyer sur le modèle bio-psycho-social pour trouver les réponses adéquates à des comportements problématiques. 

Dans la formulation des cas, on envisage donc tant les expériences passées et éventuels traumatismes que les conditions de vie et de travail actuelles, ainsi que, aspect prépondérant si une cause médicale a été exclue, la relation avec l’humain.

S’il est souvent illusoire de pouvoir éliminer toutes les causes possibles de mal-être (vie en box etc.), il s’agit d’identifier ce qu’il serait sensé et possible de modifier: on tient compte du coût-bénéfice de chaque ajustement.

Les problèmes de comportement chez le cheval sont nombreux, on peut citer par exemple:

  • headshaking (secouer la tête) pendant le travail monté
  • sortir la langue
  • les stéréotypies 
  • les refus devant un obstacle
  • le refus des aides (avancer, s’incurver, départ au galop etc.)
  • léthargie, apathie, dépression, absence de motivation en général
  • l’agressivité envers les congénères ou l’humain: menacer, mordre, coups de pied etc.
  • les ruades pendant le travail monté
  • les cabrades (sans ou avec usage menaçant des antérieurs)
  • etc.
Schéma: Venya Bonnebakker, Equine Psychology Specialist. Traduit et adapté par Regina Koehler

Les facteurs ci-dessus font apparaître un grand nombre de pistes de travail possibles: On peut traiter les problèmes de comportement en les abordant par plusieurs angles. Un facteur particulièrement important pour l’animal très social qu’est le cheval est la relation (y compris l’interaction, la communication, l’ajustement etc.), notamment avec l’humain. Améliorer cette dernière fait donc souvent partie des plans d’action mis en oeuvre par les « Equine Psychology Specialists » de la Equine Behaviour Affiliation, et les propriétaires sont en général motivés par ces changements.

Quelles sont les majeures causes des problèmes de comportement?

Santé physique et douleurs ou inconfort

Dans toute situation de trouble du comportement on doit d’abord faire intervenir un vétérinaire afin d’exclure que des douleurs provoquent le comportement en question: Dans certains cas, il y a une cause médicale sous-jacente qui affecte le comportement du cheval et qui devrait être traitée avant de s’occuper du problème de comportement lui-même.

Dans ces cas, le comportement indésirable ressemble davantage à un problème médical, tel que : une mauvaise vue qui provoque un comportement phobique, un dos douloureux qui provoque des ruades ou des refus, une boiterie, des troubles neurologiques ou d’autres maladies peuvent être à  l’origine d’un problème de comportement. Les médicaments peuvent avoir un effet sur le comportement, par exemple, les vaccins peuvent rendre un cheval plus léthargique ou au contraire plus réactif.

Même certaines stéréotypies, comme les tics d’appui, peuvent être lié à des ulcères, que le cheval peut avoir à cause d’une alimentation trop riche en céréales (acidifiants) et trop pauvre en fibres / foin (bon pour un microbiote sain). Mais l’ennui et l’absence de contact social (tactile, le contact visuel est insuffisant) peuvent également contribuer au développement de ces comportements : le traitement est donc souvent complexe.

La première chose à faire est de vérifier les causes liées à la douleur et de faire appel aux experts – vétérinaires, dentistes, selliers.

L’alimentation est aussi une cause de troubles du comportement

Ce point mériterait un article à part, ci-dessous juste quelques points notés sur la base de ma mémoire, pour illustrer les possibles interactions entre alimentation et comportement, à défaut d’avoir le temps de retrouver les études en question. Un bon recap ici: No Gut, No Horse? Why gut bugs are essential for optimum health and behaviour

Le fait de modifier l’alimentation du cheval en faveur de l’amidon (par exemple: un cheval logé en box a une alimentation à base de muesli et de foin ou uniquement de muesli: riche en amidon donc et relativement plus faible en fibres qu’une alimentation 100% foin / ou celle d’un cheval qui vit à l’extérieur et se nourrit d’herbe toute l’année) engendre un déséquilibre rapide du microbiote intestinal (les céréales / l’amidon restent trop longtemps dans l’intestin et fermentent).

Le cheval est un herbivore qui, dans la nature, passe l’essentiel de la journée à marcher en broutant par terre, il n’est donc pas forcément bien adapté à être un « granivore » vivant en box toute la journée (certains semblent s’adapter, tandis que d’autres montrent des symptômes plus ou moins rapidement). Certaines études le prouvent: les équidés nourris avec moins d’amidon (céréales) et plus de foin réagissaient beaucoup moins à des stimuli stressants (ouverture d’un parapluie par exemple) et ne montrent que très peu de signes de stress (cf. aussi No Gut No Horse ). Il y aurait un lien entre les signes de stress et une acidose du gros intestin.

On a également des études qui ont montré que des chevaux qui présentent des stéréotypies peuvent avoir un taux de sélénium plus faible que ceux qui ne présentent pas de stéréotypies. Certains stéréotypies seraient également davantage associés à certains maladies, comme les ulcères (provoquant des douleurs) qui seraient associés à un comportement de tic à l’appui ou tic à l’air.

Il y a donc de nombreuses interactions entre l’alimentation / l’état du microbiote / l’état nutritionnel et le comportement de l’équidé.

Santé mentale

De manière générale, plus les conditions de vie et d’éventuel travail sont éloignés des besoins de l’espèce, plus les chances de voir des troubles du comportement apparaitre augmentent. Ces besoins ont été regroupés dans 5 catégories, appelés les 5 libertés fondamentales du cheval (à la fin de la page sur la santé mentale équine).

Mauvaises expériences et ‘traumatismes’

En dehors de ces causes, les mauvaises expériences, en particuliers celles vécues comme traumatisantes, sont une cause fréquente. Tout le monde connait le cas du cheval qui refuse d’entrer dans un camion après avoir fait une mauvaise expérience lors d’un trajet en camion.

Parfois les causes sont connues, parfois ils ne le sont pas, parfois on connait ‘des évènements’ et on crée une fausse narration sur l’animal, qui n’est pas aidante pour son cas.

Par ailleurs, il est rare qu’on connait tout de l’histoire de chaque cheval, et parfois nous n’avons pas su reconnaitre qu’une situation ou un évènement a été traumatisant pour un cheval.

Un bon comportementaliste doit être capable de travailler avec pas mal d’incertitudes.

Personnalité

Comme nous, les chevaux ont des personnalités différentes. Certains ont tendance à devenir plus vigilant ou agressifs en cas de difficulté et de stress débordant leurs capacités de résilience. Certains, les plus confiants ou extravertis, vont s’exprimer dans leur besoins et leur mal-être. D’autres, plus introvertis, ou résignes, auront davantage tendance à devenir léthargiques et apathiques. 

La dépression chez l’équidé

Le mal-être de ces derniers peut être sous-estimé plus longtemps que celui des premiers dont le comportement est plus genant, voir dangereux pour l’humain. Les allemands parlent de Kadavergehorsam dans leur cas : ils sont ‘sages’ comme un cadavre.

Apprentissages et expériences passées

Leur expérience, ce qui a marché pour eux dans le passé ou pas, c’est à dire ce qui a été renforcé par un ‘mieux-être’, une amélioration de leur situation, contribue aussi à l’expression d’un comportement plutôt que d’un autre. Les expériences d’apprentissage contribuent donc aussi aux modes d’expression des difficultés.

Les anglo-saxons parlent de one-trial-learning pour les chevaux: dans certains cas une seule expérience peut suffire pour créer un comportement. Le cas le plus classique : donner une carotte à un cheval dans un box. Son voisin tappe sa porte avec son sabot (ce qui est mauvais pour lui). On lui donne la carotte pour qu’il arrête de taper la porte. Le cheval intègre : taper contre la porte avec la sabot => recevoir une carotte. L’apprentissage social : les voisins de box ont observé que le cheval qui tappe a reçu une carotte: ils commencent tous à taper contre la porte. Ce qui fait qu’il n’y a que les novices qui donnent des carottes aux chevaux qui tapent contre la porte.

Certains chevaux qui étaient auparavant « bons » peuvent devenir moins disposés après une exposition répétée à une situation ou après une expérience spécifique. Et l’inverse peut aussi se produire, comme on le voit souvent avec des « chevaux problématiques » devenant plus faciles à monter et à gérer, selon les expériences ou le changement de leur mode de vie.

Une cause sous-estimée : la relation et la communication avec l’humain

Les problèmes de communication et, la relation avec l’humain dans l’ensemble représentent les causes de nombreux de problèmes de comportement des chevaux. 

Problèmes de relation et de communication

Un hongre peut  avoir tendance à pousser son propriétaire quand il marche à côté de lui. Ou le cheval de dressage est un peu trop enclin à faire des bonds. Le cheval peut aussi être imprévisible au saut d’obstacle, refuser certains obstacle, ou se cabre etc.

Ce sont des problèmes de comportement équin auquel de nombreux cavaliers et propriétaires font face au quotidien. 

Felicity George, directrice de mon institut de formation en psychologie équine, considère que dans de nombreux cas, les problèmes de comportement des chevaux surviennent en raison de problèmes relationnels, de nos interactions et de notre communication avec les chevaux. 

Des changements simples dans notre interaction quotidienne avec eux peuvent entrainer une amélioration significative de leur écoute de nos demandes, de leur comportement en notre présence ou de leur réactivité à nos aides en selle ou en dehors.

Comment surmonter les problèmes de comportement ?

Une fois que nous avons écarté la possibilité d’une cause médicale sous-jacente, il y a deux questions à se poser lorsque le cheval ne se comporte pas comme nous le souhaitons.

Ressources

IFCE Equipedia 4 indicateurs pour évaluer un mal-être par l’observation comportementale

Extrait « Le bien-être est un état mental et physique positif résultant de la satisfaction des besoins comportementaux et physiologiques, et des attentes de l’animal (ANSES, 2018). Lorsqu’il se dégrade, les conséquences sont souvent nombreuses : problèmes de santé récurrents et augmentation des dépenses de soins, enjeux de sécurité du cavalier dus à l’expression par le cheval de comportements potentiellement dangereux comme des défenses, et probablement baisse de la performance sportive. Mais encore faut-il pouvoir détecter efficacement une altération de l’état de bien-être chez un cheval au sein de son milieu de vie. Focus sur certains comportements qui doivent mettre la puce à l’oreille. »

Schéma (adapté et traduit par Regina Koehler): Venya Bonnebakker, Equine Psychology Specialist Instagram, Webinar « Change the world not the horse » (Equine Behavior Affiliation), website

Trigger stacking ou accumulation de déclencheurs

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