Cas « Hannes »

Du poney que plus personne ne peut monter au bon poney pour enfants. Cas multi-factoriel et complexe

*nb: Les noms ont été changés pour préserver, dans la mesure du possible, la confidentialité des propriétaires

Mon travail a été supervisé par une vétérinaire pratiquant l’ostéopathie et la physiothérapie équine.

1. Présentation: contexte et demande

« Hannes », début 2025. 3 mois après la 1ère séance, il est devenu un bien joli poney, apprécié des enfants et des enseignants.

Poney français de selle, hongre né en 2017, 7 ans quand je commence les séances en septembre 2024.

On m’a proposé de faire des séances avec lui pour une simple raison: il fout tout le monde par terre, au moment ou je le rencontre il n’a pas été monté depuis plus d’un mois. On songe à le vendre.

Compte tenu du fait que le vétérinaire n’avait trouvé aucune cause physique, douleur ou autre, pour son comportement, on avait conclu qu’il était « caractériel » (ou, alternativement, « un con », « un malin » etc.). Ou traumatisé.

Dans des cas comme celui-ci, le cerveau de l’humain cherche à faire sens de ce qu’il vit (recherche de contrôle et de maîtrise via la compréhension), l’humain développe donc naturellement un large spectre de théories sur le comportement de l’animal. On est tous comme ça. On va donc avoir une narration sur le cheval de la part de ceux qui travaillent avec lui, et celle-ci ne favorise pas l’émergence de solutions. Autrement dit, le pessimisme empêche l’émergence de la créativité ou de la compassion, qui elle nécessitent des émotions positives, voir simplement de la curiosité / l’ouverture.

Mais le cerveau de l’humain réagit très mal quand il se sent en perte de contrôle, et c’est ce qui se passe forcément ici. Et cette narration contribue à des interactions de mauvaise qualité entre humain et équidé, peu sécurisants pour ce dernier, un cercle vicieux s’installe, fortement en lien avec le fonctionnement du système nerveux des mammifères, en interaction dynamique. Il fallait donc prendre en compte cet aspect dans le projet. Et je le répète: on est vraiment tous comme ça devant la perte de contrôle et la part d’inexplicable (a priori) du comportement du poney.

L’équipe était exemplaire, elle a fait preuve de compréhension, de capacité d’adaptation et a rapidement mis en place de nombreux changements, qui ont permis au poney d’aller mieux, en association avec les séances qu’il a eu avec moi: je ne peux que les féliciter et les remercier.

2. Photos avant – après (septembre – octobre 2024)

En quelques semaines il commence à s’arrondir, à être moins tendu et plus calme. A l’extérieur il explore de plus en plus au lieu de juste paniquer. Le poney fonctionne de plus en plus souvent dans le système nerveux « parasympathique », qui permet l’exploration, le jeux, la curiosité, l’apprentissage, les activités pro-sociales.

Il est devenu de plus en plus beau au cours de mois qui suivaient, c’était un peu comme si son développement était arrête avant: il a considérablement mûri pendant les mois où je l’ai vu pour des séances, tant dans la tête que dans son corps. Le stress a un impact très fort sur le physique chez l’équidé et inversement, si on aide l’équidé à développer davantage confiance, son développement physique, neuro-musculaire, pourra mieux se faire. Au sujet de ces interactions je recommande l’excellent ouvrage du Dr Stephen Peters « Horse Brain Science-The Neuroscience of Ethical Horsemanship » (2025).

3. Cibles du travail

Donc est-il caractériel ou mal dans son corps?

C’est clairement un cas à l’intersection entre le mental – hypervigilent, anxieux, réactif, peu confiant par rapport à l’humain – et le physique – tensions, inconfort, raideur voir douleur, faiblesse musculaire, instabilité du postérieur. Le vétérinaire ne pouvait trouver une source physique de son comportement lorsqu’il était monté. Mais il n’est pas normal que le genou se plie si on appui – légèrement – sur le glutaeus med. : cela peut être le signe qu’un nerf, notamment le sciatique, est irrité ou autre.

Il avait une instabilité du jarret visible en lien avec le faible développement du muscle quadriceps. Il avait par ailleurs une tension au niveau de la ligne dorsale, il était globalement démusclé etc. Il avait du mal à galoper, et c’est là où se produisaient beaucoup de conflits avec l’humain, qui escaladaient et provoquaient la chute de l’humain, enfant comme adulte. Il fallait donc aussi vérifier le bon fonctionnement du bassin et de la partie lombaire, cf. à ce propos l’article sur le contact. Un cheval dépend, en tant qu’animal de proie, du bon fonctionnement de son corps pour se sentir en sécurité. Quant à sa selle...

Il est utile de recommander au propriétaire et à ceux qui travaillent avec lui de le faire bénéficier du doute par rapport à l’inconfort physique / éventuels douleurs ou la relative faiblesse de son corps comme facteur insécurisant / de stress, l’obligeant à avoir recours à des stratégies pour retrouver la sécurité (douleur = source de stress => plus grand besoin de contrôle dans sa vie => problèmes de « caractère »?, cf. facteurs individuels de bien-être » dans l’article « Améliorer la santé mentale du cheval« , le passage en bas de page sur le « contrôle »). Voir aussi: Les troubles du comportement équin et la relation avec l’humain et le Trigger stacking.

De nombreux changements ont été mis en place, dont une nouvelle selle. Et, changement important, un nombre d’abord restreint de cavaliers l’ont monté dans un premier temps: ceux qui l’aimaient et lui faisaient confiance, les cavaliers eux même relativement calmes et bien régulés dans leur système nerveux. De cette façon, le cheval, dont le système nerveux réagit fortement à celui de l’homme (cf. l’ouvrage de Dr Stephen Peters « Horse Brain Science »), était mieux régulé et le poney fonctionnait plus dans le système nerveux parasymathique (celui de la détente et des activités pro-sociales). Cela a permis d’éviter les escalades mutuelles en termes d’activation ‘sympathique’ (fight-flight-freeze), et le cheval pouvait progressivement apprendre à faire face aux situations qui le stressaient auparavant.

Si les personnes qui travaillent avec lui ont de lui une image négative sans nuance, les interactions vont rester difficiles entre humain et équidé. Une regard positif inconditionnel permet l’émergence de théories alternatives par rapport à son comportement, les interactions seront meilleures, le niveau de stress de l’équidé baissera, c’est aussi une partie de la solution.

2 Axes de travail parallèles : le corps et la confiance / relation avec l’humain

Le mot français pour « equanimity » est « équanimité »: Une attitude de calme intérieur, de stabilité émotionnelle et d’impartialité face aux événements, qui permet de rester serein et équilibré même en situation de stress ou de difficulté. C’est une capacité à accueillir les expériences, bonnes ou mauvaises, sans se laisser déstabiliser, favorisant ainsi un état mental stable et une meilleure régulation émotionnelle.

En paralèle des séances, qui visaient à détonifier les muscles contractés, améliorer le fonctionnement du bassin et muscler les chaîne musculaires démusclés, je préconisais pour ma part une posture face au poney qui fait preuve tant d’empathie par rapport à son développement physique / sa maturité et les éventuels douleurs / inconfort qu’on ne peut  totalement exclure, qu’une présence ferme, calme et sécurisante. 

Toute impatience ou sévérité, découlant de la narration ci-dessus, ne pourra qu’aggraver son stress (interaction entre son système nerveux et celui de l’humain) et donc les problèmes de tension, y compris au niveau de la ligne superficielle dorsale (cf. la partie « An emotional line » de l’ouvrage de Schulz, Due, Elbrond sur les lignes myofasciales et l’interaction avec le stress, extraits sur mon website, cf. cas Athos et Venise), extrait aussi ci-après:

« Emotions trigger responses in the autonomic nervous system, which often are mirrored  in posture, involving the SDL (superficial dorsal line) and DVL (ventral line). A horse which is afraid, alert or curious lifts its head and thereby extends the back, contracting the SDL. If the emotional condition persists, it forces the SDL into a static contraction and this inevitably affects the horse biomechanically. 

Conversely, we hypothesize that a similar stress response can be triggered if a horse is forced into this posture during either handling or riding. » (Schultz, Due, Elbrond 2019)

Après

  • Cheval parait globalement plus souvent confiant et calme, beaucoup moins vigilant à l’extérieur; différents bruits et objets inconnues l’effraient beaucoup moins. J’ai fait beaucoup de désensibilisation et expositions. Il est beaucoup plus à l’aise lors des interactions avec l’humain, il apprécie par exemple le grooming (cf. vidéo ci-contre) – impensable de le voir si calme et joyeux au début des séances.
  • Meilleur développement musculaire : dos (rhomboideus / trapezius partie thoracique: le creux après le garrot s’est mieux rempli), la croupe s’est arrondie etc., hypertonus croupe est résorbé (au moins en large partie)
  • Ligne dorsale détonifiée
  • L’encolure: parait moins tassé, plus longue
  • Aspect globalement arrondi, harmonisé, mieux développé; la partie dorsale des côtes: moins visible (recouverte de muscles)
  • Port de la queue davantage centrée (porté à gauche au début), et dans la suite de ce changement:
  • Locomotion améliorée, il trotte et galope mieux: plus de chutes lorsqu’il est monté
« Hannes » porte un k-tape d’entraînement sur le muscle glutaeus med.
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