[Attention, article d’opinion! 🙂 avec plaisir pour rajouter vos commentaires si vous le souhaitez, l’intelligence collective fera sans doute avancer ce débat]
C’est un sujet qui me tient à coeur en tant que masseur-physio: il est question de la peau du cheval, de raideur, de douleur (de léthargie, de shut-down aussi). Ce sujet cristallise beaucoup de choses, il est complexe et controversé: voici une tentative – imparfaite – de « rajouter ma pierre à l’édifice » de ce débat-là.
Suivant une discussion avec une enseignante, j’avais fait un post (sur mon compte Instagram naissant) sur le thème de l’utilisation du stick / de la cravache, et ce post a suscité un grand nombre de réactions.
Certains personnes ont réagi en disant que ces lésion sont de la déshydratation, mettant donc en doute le fait que c’est l’utilisation des jambes qui a pu provoquer – à la longue – ces lésions au niveau de la peau du tronc, précisément là ou la botte touche. Et de nombreux vétérinaires ont réagi sur le post Instagram, confirmant qu’il s’agit bien de lésions et pas de simple déshydratation: le test pour évaluer la déshydratation ne se fait pas à cet endroit, justement à cause de ces lésions qui fausseraient le résultat.
« Il faut éviter à tout prix d’utiliser le stick ». Ou pas
Voici l’énoncé du post, rédigé rapidement: « Utiliser une cravache ou un stick, c’est « méchant »? Il vaut mieux utiliser les mollets? Ca dépend. Sachez qu’à force d’écraser, voir de tambouriner, des milliers de fois sur les flancs des équidés, on crée de petits hématomes qui font que la peau se décolle au bout d’un moment (cf. la vidéo ci-dessus). On peut utiliser un stick ou une cravache avec intelligence, tact et empathie.
edit: la jument n’est pas déshydratée. Le phénomène qu’on constate en cas de déshydratation est moins massif, n’est pas limité à la région du flanc (là ou le mollet écrase / tappe), concerne les chevaux déshydratés et se résorbe avec une hydratation suffisante. Tout cela n’est pas le cas chez cette jument. »
Donc prétendre que c’est maltraitant d’avoir un stick dans la main, par contre créer des lésions sur la peau qui finit par se décoller: c’est à plus longue terme, plus inconscient, plus progressif, donc ça va? Je ne trouve pas.
Toucher avec le stick et matraquer, ce n’est pas la même chose

J’ai demandé à Larousse de définir « toucher ». Il est question de contact avant tout. Ce n’est pas quelque chose qui doit nous traumatiser:
toucher verbe transitif (latin *toccare, du radical onomatopéique tokk-)
1. Mettre sa main, ses doigts au contact de quelque chose, de quelqu’un, en particulier pour apprécier, par les sensations tactiles, son état, sa consistance, sa chaleur, etc. : Touche ce tissu et vois comme il est doux. Synonymes : caresser – effleurer – frôler.
2. Être, entrer en contact physique avec quelque chose, quelqu’un : L’ancre toucha le fond. Son visage touchait le mien.
3. Être contigu, attenant à quelque chose : Ma maison touche la sienne.
Il y a quelques années déjà j’ai rédigé cette page:
Biomécanique équine | Cas difficiles: le cheval qui avance trop ou pas assez
Je survole cette page aujourd’hui et me dis: beaucoup de choses utiles, beaucoup de points à nuancer / à revoir!
Avant tout chose: aujourd’hui je suis masseur-physio et sais très bien qu’un jeune cheval court quand il a mal, un cheval plus âge devient flegmatique quand il a mal. Les chevaux qui ne s’incurvent pas sont raides (muscles contractés et fascias collés, séchés), ont mal au dos, un hypertonus musculaire au niveau du dos et de l’encolure, de la région lombaire. C’est devenu mon métier d’aider ces chevaux (massage, physio etc.). Je rédigerais cet article différemment aujourd’hui.
Pour le dire tout de suite, certains enseignants (des cas isolés, nullement représentatifs de la profession, et d’ailleurs pas dans les centres équestres où je suis active actuellement) semblent inciter leurs élèves à utiliser si besoin directement les talons de leurs bottes (plutôt que le stick ou la cravache). Et ce, qui plus est, parfois d’une manière que je qualifierais de particulièrement agressive: décoller la jambe pour mieux enfoncer le talon dans les côtés – euh? la maltraitance n’est pas là où on croit. Le monde à l’envers.
Le problème, c’est aussi que plus on essaie d’utiliser les jambes alors que le cheval ne réagit quasiment plus, plus on va s’agiter, plus on va perdre l’équilibre, la qualité des aides, on perd cette assiette ‘silencieuse’ – donc qui n’envoie de messages (contradictoires) à part pour communiquer avec les aides du poids etc. On le voit bien, c’est un cercle vicieux, plus le cheval est gêné par tout ce que l’humain fait sur lui, moins il aura envie de bouger (selon le tempérament, l’âge etc.), plus il va se dissocier et fuir intérieurement. Vidéo: Mettez votre cheval devant les jambes sans les jambes (merci à Jean-Baptiste Poustis pour le lien)

Ce que je fais aujourd’hui (sur un plan équestre)? A part soigner la qualité de mes aides et de mon assiette (équilibre, coordination, conscience du corps, etc.) cf. ci-après, j’utilise un, voir deux sticks (un dans chaque main), d’un mètre trente, avec claquette (double, non cousue). Le but c’est detoucher et de faire un peu de bruit sur la croupe (on recherche un effet surprise / on réveille le cheval vs. provoquer une sensation inconfortable / douleur). Essayez le stick sur vous même avec différentes graduations de force et ‘d’intentionnalités’, vous verrez, on peut éveiller l’attention et communiquer une énergie sans avoir à faire mal. On peut être déterminé et réactif sans être brutal ou maltraitant. Comme celui ci-contre (je ne le trouve plus sur agradi mais sur tradeinn.com ils l’ont, Whip&go Cravache dressage Claquette Flap – pas cher, une dizaine d’euros. Et si malgré l’adéquation de la réponse le résultat n’est pas là, il faut changer de stratégie et régler les problèmes là où ils sont: ce cheval à besoin de véto ou de massage-physio, le reste c’est une équitation usante pour le cheval, frustrante pour l’humain.
Un cheval qui n’avance pas / qui n’a pas d’impulsion: difficile de faire un travail correct, l’impulsion est nécessaire pour l’incurvation, le contact etc, etc. Il utilisera forcement mal son corps. Ni les éperons, ni le tambourinement sont une solution de mon point du vue, comme explique ailleurs dans cet article.
Néanmoins cette page garde son utilité, faites une lecture en diagonale, j’imagine qu’il y a des choses qui peuvent vous servir. Je recopie quelques extraits ici, rapidement sans relire en détail, ça viendra plus tard, car évidemment certaines parties ne cadrent plus avec mes convictions (précisément pour le coté « toucher », sachant qu’il y a le update de 2022 quand même – j’ai fait du chemin quand même. Work in progress).
Le cheval flegmatique, paresseux, qui n’avance pas
* Update 2022: L’importance de la cadence
Entre temps j’ai pris quelques cours particuliers avec Gina Pitti, qui est formée à l’Ecole de Légèreté de Philippe Karl et j’ai réalisé à quel point le rythme, cette régularité dans le mouvement, est centrale pour le cheval, en particulier celui qui n’avance pas. Elle permet la décontraction, qui elle, est la condition sine qua non pour tout le reste, le calme concentré du cheval, sa motivation. J’ai réalisé à quel point c’est essentiel dans le cadre de ce stage, et dans la suite, avec un cheval qui m’avait poussé au bout de mes forces encore quelques mois avant et avec qui tout n’était que danse et harmonie après cette formation. Le changement était aussi radical que miraculeux et inespéré, bluffant. La revue de dressage allemand Dressur Studien a consacré un numéro entier au « Takt » que j’ai lu dans la suite, et dans un monde idéal j’aurais bientôt le temps d’en faire une petite synthèse en français. Car avant d’avoir rythmé le cheval, tout ce qui suivra ces paragraphes sur le rythme lui fera injustice ;).
Dans les grandes lignes: un cheval rythmé, c’est quand on peut compter, par ex. au pas, à chaque pas 1-2-3-4 et il n’y a pas de différence dans les temps, les mouvements se succèdent de façon régulière.
Exemple de manque de rythme: justement le cheval qui n’avance pas et se traine ses posterieurs: on va par ex. compter « 1-2-rien-rien- 3-4 » au pas. On peut donc définir le rythme aussi par ce qu’il n’est pas: le cheval ne se traine pas les pieds et ne se hâte pas en avant avec des petits pas saccadés. Et notre bassin doit parfaitement suivre voir donner ce rythme, dans un mouvement de « salsa » (au pas). Notre respiration doit être régulière aussi.

Dans ‘l’échelle de progression du dressage’, le rythme vient en premier, il est en quelque sorte la base de tout le reste même s’il serait simpliste de considérer que les différentes étapes de cette l’échelle se succèdent de façon linéaire : la décontraction qui suit le rythme dans cette pyramide favorise à son tour le rythme. Bel article ici sur le ryhtme et l’échelle de progression (en français). Article en anglais ici sur la « classical dressage training scale » et le rythme: « When we refer to rhythm, we are referring to the time between footfalls in your horse’s stride. Rhythm is a vital foundation for any ridden horse. It is essential for balance and cadence. Cadence is the animation within the strides. »
Le rythme est aussi important que difficile à expliquer. Demandez à approfondir ce point avec votre moniteur, sinon: annuaire pour trouver un enseignant de L’Ecole de Légèreté dans votre région ici . Donc aujourd’hui, mi-2022, je me sens davantage à l’aise dans le travail avec ces chevaux.*
Voici la version française de l’échelle de progression, de l’IFCE. L’IFCE parle aussi de niveaux et d’étapes, ce qui donne une fausse impression des propositions de cette échelle, cf. ci-après.
Edit 2025 suite à un commentaire très pertinent, reçu par mail, j’actualise le paragraphe sur l’échelle de progression: « pour l’échelle de progression, l’origine est allemande, je pense qu’il vaut mieux utiliser le mot schwung qui est plus que l’impulsion mais rebond (rebond + activité + impulsion = schwung) car l’impulsion doit être déjà là dans la correction des allures » (merci à Jean-Baptiste Poustis, Responsable pédagogique de la Société d’Equitation de Paris, voici son website).
L’échelle de progression est en effet d’origine allemande (« Ausbildungsskala des Pferdes » ou « Skala der Pferdeausbildung »). La réaction ci-dessus me permet de compléter avec un autre point également essentiel.

Le Schwung n’est pas la seule notion à être mal traduite et donc mal utilisée, la Durchlässigkeit en est une autre, le terme anglais throughness ou en français perméabilité (?) est également insatisfaisant. Tout cela mériterait un article à part j’avoue mais je n’enseigne pas l’équitation, ce n’est pas mon métier. D’autres en parleront mieux que moi.
Par ailleurs, l’image d’une échelle donne l’impression qu’il s’agit d’une succession de séquences, cela évoque l’idée d’une linéarité dans le travail. On travaille point A puis point B. Rien n’est plus loin de la réalité, je cite le site de la Reiterlichen Vereinigung: « Les six points de l’échelle de formation ne sont pas à comprendre de façon schématique, mais systématique : ils s’influencent réciproquement et progressent pour partie parallèlement, tant dans l’ensemble de la formation du cheval que dans le travail quotidien monté. Associée à l’éducation au sol et au quotidien, l’échelle de formation développe constamment l’équilibre et la perméabilité / « souplesse-traversante » (Durchlässigkeit) du cheval, afin qu’à l’issue de sa formation celui-ci soit un cheval sain, obéissant, performant et source de joie durable pour son cavalier. » (traduit avec Grok)
Que dit la littérature: comment régler ce problème?
Une fois le rythme mis en place, voici d’autres conseils, si besoin: Je partage quelques idées très utiles, lues dans différents livres:
Michael Putz (Reiten mit Herz und Verstand) : « Le cheval avance en fonction de ce qu’il comprend de votre détermination ». Le livre de Putz est un grand debugger, cette phrase à elle seule m’a débloquée avec de très nombreux spécimens de ce type. Avec le cheval flegmatique, votre première priorité est d’obtenir l’avancer, l’impulsion généreuse doit être mise à disposition par le cheval et tant que ce n’est pas le cas, inutile de faire quoi que ce soit d’autre, il faut d’abord débloquer ce point de manière ferme, avant de vouloir faire autre chose: Si on n’a pas d’impulsion on n’a pas de contact, sans contact pas d’incurvation. Sans incurvation, impossible de remonter le dos, qui restera creux. Soit on accepte de faire ce qu’il faut – se faire comprendre dans sa détermination par ce cheval qui a souvent un gros caractère et mise sur l’indétermination du cavalier – soit on ne les monte pas je trouve. Regardez le dos de ces chevaux, vous comprendrez.
Dr. Thomas Ritter (Biomechanik) : Néanmoins, il ne faut pas surprendre ce cheval de façon brutale avec vos aides, il ne faut pas tambouriner mollement avec vos mollets, et encore moins le piquer avec des éperons, puis taper brutalement avec la cravache. Ritter préconise de plaquer le mollet contre les flancs du cheval, puis derrière la jambe, commencer à faire vibrer légèrement le stick sur les flancs en augmentant progressivement l’intensité du contact / du tapotage jusqu’à ce que le cheval avance, comprenant l’escalade de la situation qu’il vit. Rusé et fair play, cela m’a aidé avec un certain nombre de chevaux.
Feine Hilfen| Die treibenden Hilfen: On serre les jambes et si le cheval ne réagit pas, on utilise son stick ou cravache et on n’arrête pas avant qu’il avance de façon énergique. Ce cheval a souvent des tensions dans le corps, notamment le dos, voir des douleurs, il ne veut pas sentir son corps, il n’est pas assez présent. Cela serait dû au fait qu’il ne serait pas bien dans son corps, à cause d’une asymétrie encore très prononcé. Il n’y a que les incurvations et déplacements latéraux qui pourront l’aider à se décontracter et s’équilibrer petit à petit. Et sans doute aussi le stretching et les massages, le travail au sol.
Schöneich et al. (Die Kraft der Diagonalen): idem, selon ces auteurs, c’est précisément le mal-être crée par un corps encore très asymétrique qui fait que ce cheval refuse d’avancer.
Pfister (Natürliche Partnerschaft mit Pferden) : Selon cet auteur, un des entrainer les plus connus en Allemagne, certains chevaux, notamment les tempéraments plutôt introvertis, vont se refermer sous l’effet du stress et du mal-être, ne plus être présent à ce qui se passe, pour survivre mentalement. Ils vont donc réagir de moins en moins, paraître « froid » ou absent, là ou d’autres, plus extravertis, commenceraient à ruer etc.
Kerstin Diacont (Wie sag ich es meinem Pferd etc.) : Diacont déconseille fortement d’utiliser les éperons pour faire avancer ce cheval, cela le blasera à la jambe et pique sur des muscles (latéraux /abdomen) qui, lorsqu’il se contractent, permettent encore moins au cheval d’avancer. Et avec ce cheval aussi il faut avoir un bon équilibre, une bonne posture et assiette sinon, ce tempérament va éviter la peur du déséquilibre en avançant le moins possible. Il ne faut pas lui livrer de prétexte de ne pas avancer, en le déséquilibrant et les chevaux se déséquilibrent plus facilement qu’on croit!Donc en aucun cas faut-il s’agiter en tappant les mollets sur les flancs en continu, en se penchant en avant. On demande une fois avec les mollets, s’il n’avance pas, on redemande et on utilise la cravache. Renseigner sur comment faire une « leçon de jambe » dans les règles de l’art.
Diacont est l’autorité dans le domaine de … l’autorité à cheval. Avec elle on développe la capacité à être ferme et constant, du caractère : Si votre cheval est plus ferme et constant que vous, vous n’obtiendrez rien avec le cheval flegmatique. Il ne faut pas lui apprendre qu’il peut gagner le bras-de-fer au niveau caractère.
Donc chez Diacont, en dernière instance, on
- donne rapidement des coups de stick un peu partout sur le corps du cheval pour le rendre vif, parfois avec un stick dans chaque main, ou en changeant le stick de main souvent / rapidement… (Diacont prône donc au contraire « l’effet surprise » pour « reveiller »…).
- on tape sur la jambe en dessous du genou pour lui faire comprendre qu’il faut avancer
- on le rend vif en changeant rapidement de type de travail, ce cheval peut être intelligent et est facilement blasé par des kilomètres de travail monotone, quel qu’il soit: des mètres en « épaule en dedans » des lignes droites au pas qui s’éternisent etc. tout ce qui dure trop longtemps à tendance à lui faire perdre la concentration, sa motivation, l’élan, la présence. Il ne faut pas se laisser mettre en transe par son flegme, il faut lui transmettre votre vivacité, votre énergie, votre impatience aussi.

Donc quoi qu’il arrive il faut que ce cheval avance, il n’y a pas d’alternative à cela si on veut préserver la santé de son dos. Être trop « tolérant », indulgent, passif, « gentil » avec ce cheval va être fatal à sa santé à long terme – pour vous motiver pour le travail qu’il faut dites-vous que vous devez penser pour deux et être raisonnable pour deux, tout capitulation n’est pas dans son intérêt à long terme (…effet long terme dont il ne comprend rien…). Comme j’ai dit, pour obtenir l’incurvation il faut un contact, ce qui suppose l’impulsion. Le travail qui préserve le cheval suppose l’impulsion, elle est donc la priorité.
How to be consistent: Riding a lazy horse [video, anglais], de nombreuses autres videos, articles blog, trainings (ressources gratuites et payantes sur Horseclass.com)
Pdf sur la Dressage Training Scale de la US Dressage Federation: Pyramid of Training

L’épuisement de la capacité de portage – signes et remédiation
Services Equine Mind Body (dont massage-physio pour les chevaux qui n’avancent plus ou qui courent)
Website de Jean-Baptiste Poustis (avec inscription)
